J’ai lu…

Ce n’est pas un livre de souvenirSouvenir sur Nietzsche, mais l’évocation rétrospective de celui dont Overbeck fut l’ami intime le plus fidèle, jusqu’à son effondrement du 3 janvier 89 à Turin. Et à lire ces lignes, on ne peut douter de l’affection, de l’estime, et de l’admiration d’Overbeck pour son confrère-philologue. Mais cet article publié en 1906 dans la revue Neue Rundschau n’est pas celui d’un laudateur illusionné. Au contraire, sans complaisance aucune, il n’instruit aucun procès, ni à charge ni à décharge, et cherche plutôt à dégager les éléments structurants d’une personnalité exaltée, à la fois d’une très grande exigence personnelle et pour les autres, mais aussi d’une grande fragilité. Et son combat « désespéré » contre le christianisme en est l’exemple majeur.

Mais précisons deux points de clarification : ce court texte n’aborde pas l’œuvre du philosophe, et Overbeck précise bien que, s’il fut l’ami de Nietzsche, il n’en fut pas un disciple. D’autre part, ce texte ne comporte aucun élément biographique, et peu de détails intimes qui nous feraient découvrir un autre Nietzsche ; et si tant est que l’on veuille découvrir, derrière l’œuvre difficile, l’homme qu’il fut, il vaut mieux s’en tenir à la lecture de sa correspondance, éditée en trois volumes chez Gallimard. Mais, reste une analyse psychologique de l’homme qui par ailleurs s’impose à qui a lu l’œuvre : Overbeck parle  « de talent artistique », de « désespoir » « d’extravagance intellectuelle », « d’excentricité ». Concernant l’œuvre, je note néanmoins quelques remarques qui, à défaut de la résumer, montre bien et la démarche nietzschéenne – ce en quoi il se distinguait lui-même de Schopenhauer – et la nature de l’œuvre « Tous les textes de Nietzsche ont en quelque sorte été écrits en chemin. À la rédaction ils restent inachevés, étapes provisoires qui devront elles-mêmes être dépassées un jour ». Et quelques pages plus loin, ce constat, d’évidence : « Si l’on regarde en arrière ou si l’on considère les choses sous un angle historique, aucune des pensées qui sont apparues chez Nietzsche n’est totalement nouvelle et inédite ».

Et si je dois faire une dernière remarque sur le texte d’Overbeck, je noterai aussi, ce parallèle entre Nietzsche et Pascal, parallèle qui est sensé montrer toute la distance entre ces trajectoires, mais qui en montre aussi, les perspectives parallèles. Les deux hommes sont des esprits singuliers, supérieurs – c’est moi qui le dit ici – passionnés et profondément religieux. Ce que l’on connait sous la forme de « Pensées » est constitué de notes prises en vue de la rédaction d’une « apologie de la religion chrétienne ». « Nietzsche était plutôt passionnément irréligieux ».  Et quand je dis que Nietzsche était profondément religieux, je veux bien dire la même chose : sa passion  irréligieuse avait bien, comme toute passion, une dimension religieuse.

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